Un mirage dans le désert ou un rêve à notre portée ? Le Président de la CNDH Pr. Khalid IKHIRI y prend part avec une contribution
Faire de la protection des civils sahéliens un rêve réalisable. C’est pourquoi, le Président de la Commission Nationale des Droits Humains (CNDH) Pr. Khalid IKHIRI a pris part le 12 octobre dernier à une conference débat en ligne sur le théme “la protection des civils dans le contexte du Sahel central: un mirage dans le desert ou un reve à notre portée”. Elle a été organisée par Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH), l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (UNDOC), le Secrétariat exécutif du G5 Sahel, la Force conjointe G5 Sahel (FC-G5S) et le Center for Civilians in Conflict (CIVIC). Ce panel qui a réunit plusieurs personnalités s’inscrit dans le cadre de la table ronde ministérielle sur le Sahel central co-organisée par le gouvernement Danois, le gouvernement Allemand, l'Union européenne et les Nations Unies le 20 octobre 2020.
Contribution du Président de la CNDH Pr.Khalid IKHIRI lors de la Table Ronde sur le Thème : « Protection des Civils dans le contexte du Sahel : un mirage dans le désert ou un rêve à notre portée » ;
La protection des civils, s’impose à tous les Etats du Sahel, conformément aux engagements internationaux auxquels ils sont partis, en vertu du droit de l’homme et du droit international humanitaire. Cette protection est d’ailleurs une condition pour le succès des opérations militaires.
En effet, pour gagner la guerre contre le terrorisme, les FDS ont plus que jamais besoin de la collaboration des populations.
Cette collaboration ne peut être obtenue sans la confiance entre les acteurs (civils et militaires). D’où l’intérêt de rétablir ces liens de confiance.
Que constate-t-on sur le terrain ?
1) Faible capacité opérationnelle des FDS qui s’explique d’une part dans l’insuffisance des moyens matériels et d’autre part, par le dysfonctionnement dans la gestion de l’existant.
A ces facteurs, il ajouter le non-respect de l’éthique et de la déontologie (mauvais comportement individuel)
2) Méfiance et déficit de collaboration entre les FDS et les populations.
Si beaucoup de civils reconnaissent les efforts que fournissent les FDS à assurer leur sécurité, d’autres au contraire ont le sentiment d’être en insécurité, malgré leur présence.
Pire, pour certains, les porteurs d’uniforme sont en eux-mêmes source d’insécurité, que ce soit à cause des tracasseries, d’amalgames ou même d’exactions dont les populations font l’objet.
A cela, il faut mentionner le manque de communication entre les FDS et les civils.
En effet, les premiers sont considérés comme « la grande muette » du fait de leur statut qui astreint à l’obligation au silence.
Cependant ce statut ne doit pas être un prétexte pour les FDS de s’écarter des populations civiles.
Cette carence de communication entre FDS et les civils serait la manifestation évidente de l’absence de mécanisme ou de canaux de dialogue et de collaboration entre eux.
C’est pourquoi, des actions concrètes doivent être mises en place en vue de l’appropriation des rôles de chacun d’entre eux. Pour beaucoup, ils ne trouvent aucune explication à la lenteur dans la réponse des FDS ;La faible pro activité des FDS, voire l’absence complète de réaction des autorités ou responsables de sécurité aux alertes lancées par les populations à la suite d’un mouvement de bandits armés par exemple, serait le principal facteur qui explique la réticence des populations à fournir des informations aux FDS.Ces dernières (les FDS) doivent conduire des actions visibles en réaction aux informations fournies par les populations ou du moins donner des explications si des actions ne peuvent être entreprises.
3 – PISTES DE SOLUTION
-Renforcer les mécanismes de contrôle :
Un certain nombre d’Institutions sont mises en place afin d’assurer un contrôle de la gestion des FDS, que ce soit l’Inspection de la Gendarmerie, l’Inspection des Armées, le Contrôle Parlementaire, ou encore une veille citoyenne des OSC. Or, ces structures n’arrivent pas à remplir leur fonction de manière satisfaisante.
Les services d’Inspection du Ministère de la Défense doivent être redynamisés (organisation de missions de contrôle et d’inspection sur le terrain, application strict des sanctions) pour assurer une bonne gestion des investissements et éviter les cas d’abus, de corruption.
De même, la Commission Défense de l’Assemblée Nationale et les OSC doivent pleinement jouer leur rôle de veille citoyenne. Ces différents contrôles et inspections pourraient garantir non seulement la bonne gestion du matériel mais aussi celle des ressources humaines.
Une étude plus approfondie du fonctionnement actuel, du degré d’efficacité et des principaux défis auxquels font face ces mécanismes pourraient permettre d’évaluer de quelle manière ces derniers pourraient se reformer pour opérer plus efficacement et de façon pereine.
Dans ces mécanismes de contrôle, il faudrait mettre un accent particulier sur l’Institution Judiciaire.
Il est en effet aujourd’hui irréversiblement admis qu’une protection efficace des droits de l’homme passe immanquablement par les offices du juge.
La protection juridictionnelle est devenue à la fois le marqueur efficace des droits de l’homme et le symbole de la modernité démocratique ainsi que l’Etat de droit.
Or, cette garantie aux populations ne peut être assurée avec le déni injustifié des Etats d’une part, et avec, un appareil judiciaire aux ordres d’autre part.
-Adapter les capacités opérationnelles des FDS aux menaces sécuritaires ;
-Instituer un système d’évaluation périodique dans les rapports entre les FDS et les populations, qui permettraient aux autorités de pouvoir anticiper sur la dégradation des relations de confiance. Cette évaluation pourrait se faire à travers des activités comme les enquêtes, les sondages, les micros-trottoirs. Les résultats de ses évaluations peuvent conduire à la mise en place d’initiative permettant de faire face à la situation de façon proactive.
-Instituer dans le système éducatif des modules de formation à la citoyenneté, et organiser des journées culturelles dans les établissements scolaires sur le rôle et les responsabilités des FDS et des populations en matière de sécurité.
-Organiser des journées portes ouvertes dans les Camps et les Garnisons. Ce qui permettra aux populations de s’imprégner des conditions de vie et de travail des FDS. Ainsi les OSC connaissant les difficultés dans lesquelles se trouvent les FDS dans l’exercice de leurs fonctions peuvent faire les plaidoyers auprès des responsables politiques quand on sait que les FDS n’ont pas le droit de revendiquer.
-Créer un espace de dialogue pérein : la facilitation de la mise en place des espaces de dialogue et d’échange est indispensable car c’est à travers ces espaces que les FDS pourront être informées par les populations sur divers éléments et dynamique (suspects, problèmes éventuels, les inquiétudes et des questionnements etc….).
-Institutionnaliser des activités civilo-militaires.
-Assurer la confiance du public en la protection des informateurs des FDS.
-Une meilleure coordination entre les FDS du G5 Sahel et leurs partenaires occidentaux.
CONCLUSION
Si toutes les insuffisances évoquées plus haut sont corrigées, il n’y a pas de raison que le rêve ne soit pas réalité et que la protection des civils soit à notre portée.